Imprimeurs

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Les caractères mobiles ont été inventés par les Chinois au XIe siècle. Ils imprimaient déjà depuis plus de 1000 ans en utilisant des pièces de bois gavées. Ce n’est toutefois qu’à partir du milieu du XVe siècle que ce type de procédé a été introduit en Europe grâce à Johannes Gutenberg (ca. 1400-1468) qui inventa les caractères mobiles métalliques et la presse à bras. Avant l’invention de la presse à imprimer, les livres étaient copiés à la main d’où l’utilisation du terme « manuscrit » pour désigner ce type d’ouvrage. En raison du temps et des efforts nécessaires à la production d’un manuscrit, ceux-ci n’étaient pas produits en très grand nombre faisant en sorte que la culture lettrée n’était accessible qu’à une certaine élite. L’avènement de la presse allait faciliter la diffusion de la culture lettrée et la diffusion des nouvelles idées à travers l’Europe.

À l’époque de la presse typographique qui perdura jusqu’à la mécanisation de l’imprimerie au XIXe siècle, les caractères étaient placés par le typographe pour créer les mots qui allaient composer les pages de textes. Une fois les caractères disposés pour former les pages, ceux-ci étaient encrés. L’imprimeur plaçait ensuite une page et actionnait la presse ce qui permettait ainsi de transférer l’encre sur le papier, créant ainsi le texte. Plusieurs pages pouvaient être imprimées sur une même feuille, la mise en page étant préalablement décidée selon le format de livre voulu. La page était ensuite pliée pour former les cahiers. À la fin du processus, les cahiers étaient cousus ensemble pour former le corps du livre.

Aujourd’hui, l’impression d’un texte se fait relativement facilement sans trop d’effort, à l’aide d’un clavier, d’un écran et en appuyant simplement sur l’icône d’impression du logiciel. L’imprimante fait son travail sans qu’on ne se soucie du processus. La citation du roman Illusions perdues (1837) de Balzac, qui s’est lui-même essayé à l’imprimerie dans la première moitié du XIXe siècle, nous rappelle combien ce travail était laborieux et dépendait de la précision de multiples étapes réalisées à l’aide de divers

équipements actionnés par plusieurs travailleurs. Confronté à la censure et obligé d’obtenir la « permission » d’imprimer des autorités, le métier d’imprimeur n’était pas simple et nécessitait non seulement du temps mais également beaucoup d’efforts. Les contrefaçons avaient également un impact important sur la survie de certains imprimeurs. En effet, lorsqu’une impression étaient contrefaite, non seulement l’imprimeur de l’original pouvait se voir privé du revenu des ventes au profit des contrefaçons mais également perdre sa réputation lorsque celle-ci était de mauvaise qualité et contenait des erreurs typographiques ou autres abominations bibliographiques, ce qui était bien sûr très souvent le cas.

Les marques d'imprimeur ou marques typographiques, apparues dès le début du XVIe siècle, sont des symboles ou des images réalisées en bois gravé que les imprimeurs utilisaient pour authentifier leur production. Sans exagérer, on peut voir ces marques d’imprimeurs comme des sortes d’avatars. Ce sont des créations originales qui représentent en quelque sorte l’imprimeur et qui permettent de l’identifier facilement.

Les marques d’imprimeur ont été utilisées depuis le milieu du XVe siècle. Le premier usage en est attribué à Johann Fust (ca.1400-1466) et Peter Schöffer (ca. 1425-1503) dans le Psalter of Mainz, paru en 1457. Cet usage atteint son apogée au cours des XVe et XVIe siècles et s’estompe au XVIIIe siècle, avant de connaître un regain de popularité aux XIXe et XXe siècle avec l’apparition des petites entreprises de presses privées artisanales. Il est difficile de dire si les imprimeurs gravaient ces marques eux-mêmes. La plupart des études tendent à démontrer qu’ils faisaient généralement appel à de célèbres artistes-graveurs. Le peintre et graveur allemand Hans Holbein le Jeune (1497-1543) est présumé avoir dessiné les marques de Johann Froben (ca 1460-1527) et Andreas Cratander (14??-1540), notamment.

Ces marques d’imprimeurs vont de la stylisation des initiales de l’imprimeur, comme c’est le cas de William Caxton (1415-1492) ou de Jean du Pré (14..-1504) aux gravures représentant la boutique de l’imprimeur, comme c’est le cas de Robert Copland (1508- 1547), qui représente sa boutique « at the “sign of the Rose Garland in Fleet Street”», ou encore du christogramme HIS utilisé par la famille d’imprimeurs De La Noue dont la boutique était située, « rue S. Iacques, au nom de Jesus ». Les marques d’imprimeur montrent également un usage important des calembours, jeux de mots et double-sens. Alors que la marque de Pierre Le Chandelier (15..-159.) est sans surprise un candélabre, Sebastian Gryphus (1492-1556) choisi pour sa part le griffon. Matthias Biener (1495- 1554) (aussi connu sous le nom Apiarius) est dépeint comme un ours pillant une ruche (« biene » étant le mot allemand pour abeille). Quant à la marque de Christophorus Froschover (1496-1564), elle présente un jeune garçon montant une grenouille (“Frosch” étant le terme allemand pour grenouille). Finalement, la marque de Thomas Woodcock représente un coq se balançant au-dessus d’une pile de bois. La marque d’Aldus Manu- tius (1449-1515), probablement la plus célèbre, représente un dauphin entourant une ancre. Si cette marque n’a pas de sens évident pour nous, il s’agit toutefois d’un emprunt à une pièce de monnaie romaine produite à la fin du Ier siècle avant Jésus Christ. L’ancre et le dauphin sont associés à la devise “Festina lente” (se hâter tranquillement), qui est également la devise adoptée par Manutius.

Qu’il s’agisse d’une marque de commerce, d’un trait d’humour réservé aux initiés ou d’une conception artistique plus symbolique, les imprimeurs ont littéralement laissé leurs marques sur les ouvrages qui quittaient leurs presses. Ce dispositif accrocheur, autant que cette bonne impression au sens littéral comme métaphorique, assurait aux imprimeurs une meilleure visibilité auprès des auteurs en quête d’un imprimeur et d’éventuels clients en quête de livres de bonne qualité.