Papetiers et marbreurs

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Le papier est un des éléments centraux de la fabrication du livre. Après l’utilisation des peaux animales comme le parchemin et le vélin (cuir de veau mort né), l’apparition du papier fabriqué avec des fibres végétales constitue l’une des inventions les plus significatives de l’histoire du livre. Du papyrus fabriqué avec la plante du même nom chez les Égyptiens, on passe à l’essai d’autres plantes comme le coton et le lin dans les pays orientaux et plus tard en Europe. La recette du papier est longtemps gardée secrète et ce serait en Italie, au XIIIe siècle, que les premiers papiers furent fabriqués. Le lin constituera la matière première du papier en Europe jusqu’à l’invention d’une technique permettant d’utiliser la pâte de fibre de bois augmentée de divers composants chimiques au XIXe siècle.

La fabrication du papier se fait en plusieurs étapes. Il faut d’abord récupérer la fibre de lin (le plus souvent des vêtements usagés), les faire pourrir et les broyer pour en former une pâte. On fabrique ensuite une forme qui consiste en un treillis fin qui sera plongé dans le mélange pour ne conserver qu’une fine couche de fibres à la surface. La forme est ensuite retournée sur un feutre et l’opération est reprise jusqu’à former un grand sandwich de couches de feutre-fibre-feutre fibre. À l’aide d’un pressoir, l’eau est éliminée. Pendant le séchage, les fibres s’amalgament entre elles pour former les feuilles de papier. Elles sont ensuite délicatement retirées et mises au séchage pour être ensuite encollées, c’est-à-dire qu’on y ajoute une sorte de scellant qui permettra au papier d’être moins friable et moins absorbant, et ainsi d’y écrire ou d’imprimer sans que l’encre ne se disperse.

Le papier servira bien sûr à l’impression des livres mais également à faire des reliures pour remplacer le cuir et le parchemin au XVIe et XVIIe siècles. Au moment de mettre la reliure de cuir, souvent faite de cuirs teints, le relieur ajoutera également des pages de papier entre celui-ci et le corps d’ouvrage afin de le protéger de toute contamination.

Ainsi, on voit parfois d’anciennes pages de manuscrits ou des chutes d’imprimés servir à cet usage ou encore des feuilles de papier blanc. Toutefois, au XVIIIe siècle, différentes techniques de décoration des papiers venues d’Orient seront introduites en Europe.

C’est le cas du papier marbré ou papier à la cuve. Ce nom provient du fait que pour imprimer le papier de divers motifs, les encres sont déposées à la surface de l’eau dans une cuve et y flottent. Au Japon, cette technique est appelée Suminigashi qui signifie d’ailleurs « encres qui flottent ». En Europe, on ajoute souvent un épaississant à l’eau afin que les encres restent plus facilement à la surface. Une fois les encres déposées, le marbreur utilise divers outils pour créer des motifs. La création des papiers marbrés est règlementée et chaque motif dépend d’une technique particulière qui permettra de répéter ceux-ci à l’identique, d’une feuille à l’autre. Coquille, peigne, paon, feuille de chêne, etc.

Le papier dominoté constitue une autre technique de décoration du papier. Cette fois, il s’agit d’une impression avec des planches de bois gravées en taille d’épargne d’un motif répétitif (formes géométriques, fleurs, oiseaux, etc.) qui sera imprimé en noir sur fond blanc puis de plus en plus souvent coloré à la main ou à l’aide de pochoir. Cette technique à été utilisée surtout au XVIIIe siècle et a fini par disparaître au début du XIXe siècle avec l’apparition de nouvelles techniques d’impression industrielles.

Le papier à la colle permet quant à lui de créer des motifs sans recourir à une technique difficile. Un mélange de colle d’amidon et de pigments de couleur est déposé sur la feuille de papier. Le motif doit être créé avant que la colle ne sèche. On trouve ainsi le papier brossé (la colle est étendue à l’aide d’une brosse dure qui laisse des motifs), jaspé (le mélange de colle est projeté sur la page en petites gouttelettes), tiré (deux feuilles de papier enduites de colle sont superposées puis tirées donnant des motifs aléatoires mais réguliers), granité (des motifs de couleur sont ajouté au pinceau) et dessiné avec les doigts ou des outils, la colle est retirée pour créer des motifs (la fameuse peinture aux doigts de notre enfance).

Le papier doré-gauffré est une technique allemande de la fin du XVIIe siècle. Les motifs sont gravés sur une plaque de cuivre, puis lors de l’impression on ajoute une fine feuille de cuivre ou d’or qui laissera les motifs apparaître. Si la plupart des papiers sont blancs, certains doreurs-gaufreurs ajouteront des couleurs, l’objectif étant d’imiter les riches tissus comme le brocard.

Papetiers et marbreurs